C d’une A. Art. 4.2 : Les degrés d’inclinaisons du buste.

Chronique d’une adjoumoni 아주머니 qui apprend plein de choses en regardant des KDrama. Article 4.2.

La culture du pardon ou Comment comprendre les valeurs essentielles de la culture coréenne : les degrés d’inclinaisons du buste.

Dans de nombreux pays asiatiques, pour saluer on incline le buste (pour dire bonjour, au revoir et pour remercier également).

J’ai en mémoire une scène d’un Kdrama. Un homme jeune est au téléphone. Il s’incline régulièrement à 45°. Ses amis disent : « Oh ! Il doit au moins être en train de parler avec son Directeur ! ». Voilà, tout est posé ! Aucune surprise de leur part que l’homme s’incline… au téléphone. Et au travers du degré d’inclinaison de ses saluts, ils comprennent tout de suite que leur ami parle à une personne haut placée dans la hiérarchie !

Sauf erreur de ma part, même en 2022, dans aucun Kdrama il n’y a pas au moins une scène dans laquelle une personne demande pardon, ne présente ses excuses : 미 안해 (miané) 죄송합니다(djoesonghabnida). Et on peut entendre que les formulations sont nombreuses et variées tant ce concept est fort ! Pour mieux comprendre, j’ai abordé la notion dans l’article 4.1 : Les valeurs confucéennes.

La Corée est un pays où les comportements sociaux sont très réglementés et hiérarchisés. La toute première règle que vous rencontrerez est celle de la salutation.

Tout est dans l’inclinaison du buste. 

En Corée (mais en fait en Asie), on utilise peu son corps pour s’exprimer. Pas de grands gestes et rarement des gestes brusques. Les personnes extraverties sont souvent regardées bizarrement ou l’on dit d’elles qu’elles sont des « artistes » !

Au fait ! Non ! On ne sert pas la main (uniquement dans le monde professionnel et encore, selon un code précis. On prend la main de l’autre mais on ne la « secoue » pas !) et surtout, surtout, on ne fait jamais la bise ! 

Le뽀뽀(popo = bisou) est un signe d’affection, uniquement entre parent et enfant ou à la rigueur entre amoureux ! (Imaginez-vous la stupeur et le malaise d’un Coréen qui arrive en France et qui se voit claquer la bise 4 fois par une femme qu’il n’a jamais vue de sa vie !!!). 
A noter également, que finalement, on ne dit pas si souvent que ça de formules de politesse. Ce n’est pas dans la coutume de dire systématiquement : Bonjour ! 녕하세요 ?(anyongaséo : littéralement « Est ce que tu es en paix ? » avec un  point d’interrogation ! On peut d’ailleurs vous répondre : 내Né ! Oui !). Parce que, de toute façon, il faut savoir que l’on ne dit pas le même « Bonjour », selon la personne à laquelle on s’adresse. Il y a 6 niveaux de langage ! C’est la grande difficulté de la langue coréenne : le respect de l’ainesse et donc, on y revient toujours, des valeurs confucéennes.
Bien sûr, en Corée comme ailleurs, les choses changent et les jeunes disent plus naturellement 안녕 (anyong : Salut !) en retrouvant leurs amis. L’ouverture à l’international, en particulier aux Etats-Unis, fait que la poignée de mains est plus utilisée, surtout envers un étranger. Mais il n’empêche. Un Coréen, jeune ou non, connait fort bien les codes et les respecte ! 

L’inclinaison du buste est donc pratiquement le seul geste du corps que l’on utilise régulièrement vers autrui. Elle est utilisée pour saluer et remercier et fait donc partie du savoir-être lié à la politesse, au respect de l’autre.

Mais elle est également très codifiée pour la culture du pardon. On s’incline selon les circonstances et selon un certain degré.

Parce qu’une image vaut toujours mieux qu’un long discours…

Ça parait simple comme ça ! Mais pour parvenir à s’incliner convenablement (car ce n’est pas la tête mais le buste que l’on doit incliner !) et en maîtriser le degré, cela relève d’une éducation poussée et d’une pratique continue depuis l’enfance. (Vous l’avez peut-être remarqué dans un Kdrama, on apprend aux enfants à s’incliner dès la maternelle !).

En fait, il existe plusieurs niveaux d’inclinaisons parce qu’il existe plusieurs niveaux de demandes de clémence, donc de pardon. L’angle utilisé permet de faire comprendre à l’autre le niveau de respect ou de pardon que l’on souhaite transmettre ou obtenir.

L’inclinaison à 90° doit permettre à l’offensé de voir le crane de l’offensant (il y a fort à parier que cela remonte dans l’Histoire à quand le chef au sabre – muban – pouvait se permettre de trancher ou non la tête du sangmin).

Dans les Kdramas, on sent que cette culture du pardon représente un moment fort, quand les victimes des agissements de chaebols reçoivent enfin des excuses du PDG, du politicien… Parce qu’alors, ce « gradé » se « rabaisse » au niveau du citoyen lambda. Et ce n’est pas rien ! Cela fait partie des phases de l’expiation des fautes. Il ne peut y avoir réparation possible sans cette première prosternation publique (voir article 4.1).

On voit aussi très souvent l’inclinaison totale (agenouillé par terre avec une inclinaison permettant au ventre de se reposer sur les cuisses et à la tête de toucher le sol. Idem probablement pour la source historique) lors des cérémonies de deuil ou des anniversaires commémoratifs. On salue une première fois et on s’incline entièrement deux fois. C’est le respect confucéen que l’on doit aux personnes disparues.

Cependant, et on le remarque bien dans les Kdrama, si elle est utilisée par une personne vis-à-vis d’une autre, c’est toujours pour présenter ses plus plates excuses et demander un haut niveau de clémence. C’est un moment fort car alors, la personne accepte de perdre la face (voir article 1).

Même si ce geste tend à disparaitre des écrans, on voyait également les gens se frotter les mains ; à genoux ou non, pour demander pardon (voir article 3 : les gestes).

S’incliner devant l’autorité. Réprimer ses émotions. Se fondre dans la masse. Faire passer l’intérêt du groupe avec celui de l’individu. Ces concepts qui composent la culture du pardon sont profondément ancrés dans les us et coutumes des Coréens. En cas de crise, les excuses sont un préalable à toute discussion. On s’excuse d’abord et ensuite, on voit avec l’autre ce que l’on peut proposer pour résoudre la crise (réparation financière très souvent).

Cela vous fait penser à de nombreuses scènes vues dans les Kdrama ? En effet ! Alors, lors de votre prochain visionnage, tentez d’avoir quelque peu ce regard de respect culturel et voyez les choses sous un autre angle.

C’est ce que l’on nomme l’ouverture à l’autre et à sa culture !

Que du bonheur !

Sur ce… Et comme on dit par chez nous : “Je vous salue bien bas !”.

Mad in Palou P VII / 2022

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est PALOU_SIGNATURE_2CM.png.

Toutes ou presque, mes sources sont citées dans la chronique « SACERDOCE ».

Pour aller plus loin :

… On trouve aussi souvent (mais peut-être de moins en moins) le confucianisme dans les corps, les comportements, la gestuelle, les attitudes mentales, les références historiques et culturelles, ou en un mot dans tout ce qu’on aime appeler les valeurs.

Car le confucianisme se présente d’emblée en Corée comme un fait social qui affecte riches et pauvres, hommes et femmes, jeunes et vieux.

Il n’est pas pensé ni vécu par la majorité des Coréens comme une philosophie, ni comme une religion. Le confucianisme, pensé comme un héritage du passé, relève fondamentalement du débat sur la tradition et la modernité qui ne cesse de travailler en profondeur les mentalités, les normes et les pratiques des Coréens au quotidien. La société sud-coréenne est confrontée aujourd’hui à des enjeux multiples : démocratisation, libération des mœurs sexuelles, mondialisation, immigration, métissage et multiculturalisme… Dans un tel contexte le confucianisme, héritage du passé, s’avère parfois difficile à vivre.

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02906315/document

Et l’excellente journaliste : Juliette MORILLOT autrice de LA COREE DU SUD, la tyrannie de l’excellence.

https://asialyst.com/fr/2016/12/12/coree-du-sud-jeunesse-veut-destituer-confucianisme/

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*