C d’une A. Art. 4.1 : Les valeurs confucéennes !

Chronique d’une adjoumoni 아주머니 qui apprend plein de choses en regardant des KDrama. Article 4.1.

La culture du pardon ou Comment comprendre les valeurs essentielles de la culture coréenne : les valeurs confucéennes.

C’est ma règle première. On ne peut, ni ne doit, se contenter de regarder un Kdrama avec notre seule vision occidentale.

Un des premiers savoir-être des coréens qui m’a interpellé dans les Kdrama, c’est cette constance à demander pardon, à s’excuser.

J’ai donc cherché à comprendre ! Et là, je me suis vite rendu-compte que je touchais le cœur même des us et coutumes coréens.

Je vais tenter ici, juste de présenter les choses, mais en aucun cas, prétendre vous les expliquer. C’est un concept très dense et très complexe pour nous occidentaux que je vais aborder dans cette série d’articles 4.

Par ailleurs, je suis persuadée que pour approcher un tant soit peu ces coutumes, je dirais, viscérales, il faut les vivre ! Et pour savoir les respecter, vraiment, il faut être un natif et avoir été éduqué dans cet environnement et ce, depuis sa prime enfance. J’en suis plus que convaincue ! C’est là un aspect majeur qui fait que pour un coréen, inconsciemment ou non, l’occidental restera toujours un « étranger » ! 외국인.

Le strict respect de l’étiquette comme morale sociale

La Corée est profondément marquée par la morale confucéenne. Le fait de s’excuser et d’assumer ses actes est un des éléments essentiels de la société confucéenne. Le niveau d’exigence dans le respect de l’étiquette est tel qu’avec le temps les excuses se sont institutionnalisées et ritualisées.

Avant toute chose, il faut donc comprendre que tout vient donc de ces valeurs confucéennes ! (et donc, que ce n’est pas que pour la Corée, mais pour une grande partie de l’Asie !).

Et principalement, du respect que l’on doit, en toutes circonstances (justes ou injustes) à la hiérarchie de l’ainé (n’importe quel ainé : parent, professeur, directeur, mais aussi une personne vieille d’un an de plus que vous ! C’est d’ailleurs pourquoi un Coréen, pour se situer, vous demandera très rapidement : Quel est votre date de naissance ? De quelle année êtes-vous ? (horoscope chinois). Quelle est votre profession ?).

La hiérarchie est très importante en Corée et ce, dès la plus tendre enfance, avec le système des aînés et des juniors. Et ces codes sont à respecter pour plein d’aspects de la vie courante : quand on mange, quand on boit, quand on s’assoit…

En entreprise, cela est encore plus accentué. L’employé est sous les ordres de son Chef qui est lui-même sous les ordres de son Chef… Jusqu’à arriver au plus haut niveau. Par exemple le Président Directeur Général d’un chaebol (grande entreprise).

Les Coréens ont des interactions avec leurs supérieurs et leurs aînés, extrêmement codifiées et leurs attitudes et cérémoniaux sont souvent déroutants.

Par exemple, un employé ne partira jamais avant son supérieur et sans son autorisation explicite. Et ce, même si c’est l’heure et même si celui-ci est absent du bureau ! Vous comprenez mieux certaines situations dans les Kdrama !

Restez digne, ne pas perdre la face.

Perdre la face pour un Coréen est la pire des situations pour lui ! C’est de son honneur dont il est question.

Mais déjà d’entrée de jeu, la notion est absconse pour nous. Parce qu’en fait, c’est quoi exactement perdre la face ? Quelle est la valeur de l’honneur pour nos deux continents ?

Les apparences et l’esprit de groupe sont primordiaux en Corée. (D’où la culture du URI 우리 et l’importance des critères de beauté). Il faut que tout le monde s’entende et qu’il n’y ait pas d’animosité ou de désaccord surtout en public. Faire perdre la face à quelqu’un est très grossier et c’est l’une des plus grosses fautes sociales à ne pas commettre.

Dans la société coréenne moderne, une des valeurs portée par le confucianisme est la droiture. On attend donc que le chef d’entreprise ou l’homme politique ravale son orgueil et que comme n’importe quel quidam, demande pardon pour les fautes commises par son entreprise et ses employés ! Par extension, quand des membres du gouvernement, des responsables politiques ou des chefs d’entreprises échouent dans leur mission, c’est à dire échouent à assurer le bien-être de la population et de la prospérité du pays, ils doivent s’excuser publiquement de leur échec et assumer leur responsabilité.

C’est ainsi que des scènes, qui pour nous peuvent paraitre complètement abstruses, se déroulent au quotidien sur les médias coréens.

Un idol, un acteur, une figure publique ont été arrêtés en état d’ivresse au volant ? Automatiquement il y aura une scène d’excuses publiques retransmises en direct, ou presque.

Idem pour un PDG étranger qui s’est vu devoir présenter des excuses publiques en règle aux victimes coréennes. Ses  excuses accompagnées d’un salut approprié ont fait office de repentir dans la péninsule. Mais elles n’étaient qu’une étape incontournable ! Cependant, ne pas les faire, comme certains autres PDG occidentaux, peut provoquer la fermeture de filiales locales pour cause de boycottage !

On ne badine pas avec la culture du pardon en Corée ! Ces excuses publiques sont mises en scène; et même si elles sont d’apparence, elles doivent sembler les plus sincères possible.

Qu’en est-il vraiment de la sincérité et de l’honnêteté mises dans ces excuses ? C’est un autre sujet ! Je vous laisse juge !

N’oubliez pas d’être clément et ouvert. Souvenez-vous qu’il est question d’éducation, de respect mais aussi de stress continuel subi et vécu par chaque, ou presque, coréen. (On comprend mieux la notion de YOLO abordée au travers du Chef HONG dans Hometown Cha Cha Cha par exemple). Voilà pourquoi les jeunes tentent, comme ils peuvent, de s’évader de ce carcan. Et on voit d’un autre œil, toutes les notions qui sont abordées dans les Kdrama.

En Corée, le « politiquement confucéen » correct est de rigueur ! Les conséquences de ces protocoles si codifiés sont visibles partout, tout le temps, tout au long de la vie. Si vous avez vraiment quelque chose à dire, attendez d’être ivre pour vous exprimer ! Alors cela vous sera, peut-être, pardonné ! (On comprend mieux, là aussi, les scènes alcoolisées dans les Kdrama !).

Malheureusement, c’est aussi à cause de tout cela, qu’il y a un taux de tentative et de suicide très élevé dans le pays. (Constatez comme ces scènes sont fréquentes dans les Kdrama !). Le suicide est souvent « la solution ultime » pour avoir perdu la face (et ce, pour toutes sortes de raisons. En 2021, le taux de suicide en Corée du Sud était le plus élevé parmi les pays membres de l’OCDE – 24,7 pour 100 000 personnes. C’est le double de la moyenne des pays riches – 11,0 pour 100.000. Celui de la France était de 12,3).

Là où nous avons du mal à comprendre, c’est que les Coréens, ont plutôt une attitude de rejet à l’égard des personnes qui passent à l’acte. Ce fléau est encore très peu abordé ouvertement. Pour beaucoup de natifs, ceux qui tentent de se suicider sont ceux qui ont perdu la face et l’ont faite perdre à leur famille.

En fait, c’est inextricable ! Et on comprend pourquoi le stress et ses conséquences médicales graves est une des premières pathologies coréennes et ce, depuis le niveau pédiatrique (L’enfant ne doit pas faire perdre la face à ses parents. Il doit sans arrêt avoir les meilleures notes, et travailler comme un fou ! Avoir son bac puis aller dans une université prestigieuse, avoir un bon travail dans une bonne entreprise, être un bon employé, faire un bon mariage (pouvoir payer l’appartement et être soutien de famille), être un bon fils, un bon parent (pouvoir payer l’université très onéreuse pour son enfant). Etc etc. Le niveau de stress n’arrête jamais… ou presque !). “C’est la tyrannie de l’excellence !”.

Une fois ces valeurs abordées, on comprend, mieux, toutes ces scènes récurrentes dans les Kdrama. Il s’agit bien sûr de cinéma ! Mais en Corée comme ailleurs, le cinéma, les médias parviennent à faire bouger et avancer les choses, ne négligeons pas leurs forces et leurs résultats au long cours !

Mad in Palou P VII / 2022

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Toutes ou presque, mes sources sont citées dans la chronique « SACERDOCE ».

Pour aller plus loin :

D’après l’ordre confucéen, le gouvernement doit agir de façon morale en respectant la nature de l’homme selon des principes de raison, de compassion et de doiture. Pour cela, chaque Coréen doit se référer à des axiomes moraux stricts et recevoir une éduction correcte permettant, par le modèle des anciens, d’accéder à une forme de sagesse et de perfection de sa propre nature. Cinq relations visant à la justesse des rapports codifient les interactions humaines, conformément aux 5 principes de bases : oryun. Entre le souverain et ses sujets règne la justice (ui), entre le père et le fils l’affection (chin), le mari et la femme ont des fonctions distinctes (byeol), entre ainé et cadet règne l’ordre (seo) et entre camarades c’est la fidélité (sin).

Sous cette influence, la société coréenne s’est rigidifiée, codifiant ses classes sociales et ses comportements. La pensée confucéenne : discipline, sens du devoir, respect des ancêtres et des ainés, lui a permis d’absorber les chocs de son Histoire en cimentant les individus et en imposant des sacrifices avec un minimum de revendications.

Le second point fondamental dans le confucianisme, régit les relations entre les personnes.

Il est en effet très important que tout le monde joue son rôle, selon sa position dans la société, et respecte les limites de cette position afin qu’aucun problème ne survienne.

La piété filiale est un troisième élément clé du confucianisme.

Il est important que le fils respecte son père et sa volonté. Il ne doit en aucun cas lui désobéir.

Selon Confucius il y a toujours une autodiscipline à avoir et un respect mutuel à entretenir. De plus dans toutes les situations il faut agir avec modération et compromis…

…En Corée du Sud, le voyageur étranger est confronté au confucianisme dès ses premiers contacts avec le pays, au travers de son drapeau. En effet, le drapeau sud-coréen est constitué d’un cercle central bicolore représentant l’interaction dynamique et créatrice du yin (bleu) et du yang (rouge), flanqué aux quatre coins du drapeau par les quatre trigrammes fondamentaux de l’un des livres canoniques du confucianisme.

En outre, le confucianisme est indissociable de la dernière dynastie régnante de la Corée. Cette dynastie des Yi est également connue sous le nom de Chosŏn, signifiant littéralement “matin frais”. C’est une traduction inexacte de ce nom en “matin calme” qui est aujourd’hui employée avec succès dans les media occidentaux pour désigner la Corée de manière quasi générique. Période historique allant de 1392 à 1910 et qui correspond à la dynastie des Yi. Cette dynastie dure donc pendant le règne de deux dynasties chinoises (Ming et Qing) et de deux shogunats au Japon en Asie Orientale. Elle correspond aussi en Europe à la période allant du début de la Renaissance jusqu’au début du 20e siècle. Cette longévité exceptionnelle –et inégalée– dans l’histoire mondiale explique le fait qu’aux yeux des Coréens, cette dynastie incarne fondamentalement leur passé. Même si les anachronismes ne manquent pas, c’est cette dynastie Chosŏn qui sert la plupart du temps de cadre aux Kdrama historiques…

On trouve aussi souvent (mais peut-être de moins en moins) le confucianisme dans les corps, les comportements, la gestuelle, les attitudes mentales, les références historiques et culturelles, ou en un mot dans tout ce qu’on aime appeler les valeurs.

Car le confucianisme se présente d’emblée en Corée comme un fait social qui affecte riches et pauvres, hommes et femmes, jeunes et vieux.

Il n’est pas pensé ni vécu par la majorité des Coréens comme une philosophie, ni comme une religion. Le confucianisme, pensé comme un héritage du passé, relève fondamentalement du débat sur la tradition et la modernité qui ne cesse de travailler en profondeur les mentalités, les normes et les pratiques des Coréens au quotidien. La société sud-coréenne est confrontée aujourd’hui à des enjeux multiples : démocratisation, libération des mœurs sexuelles, mondialisation, immigration, métissage et multiculturalisme… Dans un tel contexte le confucianisme, héritage du passé, s’avère parfois difficile à vivre.

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02906315/document

Et l’excellente journaliste : Juliette MORILLOT, autrice de LA COREE DU SUD, la tyrannie de l’excellence.

https://asialyst.com/fr/2016/12/12/coree-du-sud-jeunesse-veut-destituer-confucianisme/

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